22 avril 2014

"Tom à la ferme" : la fin rend le film moyen

Il faut reconnaître à Xavier Dolan, gamin de 25 ans, un sacré foutu talent. Il transparaît une fois encore dans son Tom à la ferme même si la fin de son film frise parfois le ridicule. Disons l'outrance. C'est dommage car, sans cela, on aurait eu là un grand film.


Xavier Dolan perd un peu le contrôle de son Tom à la ferme à la fin. C'est dommage car il tenait là quelque chose de fort et de bon. Suffisamment fort et suffisamment bon sans avoir à en faire des tonnes. L'écueil dans lequel il tombe dans la dernière grosse demi-heure. Un final raté pour un film qui, lui, ne l'est pas. Juste que, forcément, cette dernière impression, assez mauvaise, vient nuire au souvenir laissé. Tant pis.
Souvenons-nous d'abord du meilleur, comme toujours. Et le meilleur, c'est le scénario de base. Une merveille de trouvaille. Propre à faire pleurer dans les chaumières. Pensez donc. L'amour. La mort. Le déni. La souffrance de ne pouvoir crier au monde son amour, ses sentiments.

Douloureux et triste mensonge

La mère et l'amant caché du fils. Une même douleur
face à la perte d'un être cher,
mais l'impossibilité de la partager.
Tom (Xavier Dolan), jeune publicitaire vivant à Montréal - ah oui, c'est un film Québécois, il y a quelques expressions du cru, autant en être averti, vous faites bien de demander... Tom vient de perdre son compagnon. On ne saura jamais de quoi il est mort, mais ça oui, il est bien mort. Tom se rend aux funérailles, au fin fond de la campagne québécoise. L'expression "trou du cul du monde" trouvant ici une manifestation plus que concrète. 
Problème : sur place, la veille mère éplorée (Lise Roy) ne sait rien de ce que fut la sexualité de son fiston. On lui a même vendu un mensonge éhonté, avec une Sara (Evelyne Brochu) dont son rejeton aurait été follement amoureux. Tom l'apprend sur place et lui, le "veuf" dévasté, doit taire ce qu'il fut pour son amant. Un ami, juste un ami. Voilà comment il doit seulement se présenter. Et ce sous la pression du frère aîné, Francis (Pierre-Yves Cardinal), le seul de la famille à connaître la vérité sur son défunt frère. Une manière de protéger la mamma, dit-il.

Pierre-Yves Cardinal, dans le rôle du frère pervers.
Du Hitchcock mal maîtrisé

Tom se plie à ce mensonge. Il n'a pas le choix. Francis est du genre persuasif. C'est-à-dire violent. Voire complètement dingue. Et c'est là que le film de Xavier Dolan glisse d'un joli mélo romantique à un pseudo thriller à huis-clos. Et c'est là, surtout, que nous le suivons moins, ce brave Xavier.
Il livre ainsi un film double. Là où, pour une fois, un seul se tenait. Il avait la fibre mélodramatique pour tenir sur sa lancée de l'amant qui doit se taire quand il a envie de hurler son amour et sa douleur de son ami perdu. Les souffrances cachées de Tom. Celles, qui éclatent en gros sanglots, de la mère. Pauvre mère qui ne comprend pas que Sara, l'amoureuse inventée de toutes pièces, ne soit pas présente aux obsèques. Et comment pourrait-elle comprendre ? Le mensonge. Le non-dit. Tout cela se tenait joliment. Se suffisait amplement.
Xavier Dolan, au lieu de s'en tenir là, s'engouffre dans une brèche psychologique qui, elle, tient nettement moins la route. Il entend nous conter l'histoire de l'emprise que prend Francis sur Tom. La folie du frère aîné, pervers narcissique, et la faiblesse de Tom, l'homme blessé. Une relation de dominant à dominé. Un film noir, se voulant hitchcockien. Dolan en maîtrise mal les codes. Son film se vautre dans quelques facilités stylistiques et scénaristiques. Il perd en crédibilité ce qu'il gagne en outrance.

Une fin ratée

C'est trop. Trop d'effets de manche, de style... Cela tourne à la grosse farce. D'une certaine manière, et même si les deux films sont bien sûr très différents, cela nous a fait penser à Stoker. Une merveille d'idée de base, des trouvailles de mise en scène intéressantes et puis, patatras, une fin qui gâche tout. Un huis-clos mal ficelé. Qui frise le ridicule.
D'autant plus triste que, sans cela, ce Tom à la ferme avait tout pour être très bon. Xavier Dolan, dans le rôle-titre, est franchement bluffant. De même que Lise Roy, la mère, est parfaite dans l'expression de la douleur inconcevable. Tous les ingrédients d'un bon psychodrame réunis. Lequel tourne en noeud de boudin. Tellement rageant.


Bilan : On peut s'en passer - Moyen - A voir - Excellent
Note : 11/20

Aucun commentaire: