06 mars 2012

"Oslo 31 août": mélancolie d'une nuit d'été

Transposer des thèmes moult fois abordés dans un décor exotique (si tant est qu'Oslo soit une destination exotique) ne suffit pas à rendre original un film. Ce qui fait donc d'Oslo, 31 août, vous l'aurez compris, une oeuvre décevante. Pas nulle, attention, juste décevante. Parce que sans grande surprise. Et surtout pas la fin, que l'on sent venir de très loin.
A la limite, le plus intéressant, avec ce film, c'est la curiosité qu'il suscite envers le livre dont il est une libre adaptation. Le Feu Follet, en l'occurrence, écrit par Pierre Drieu la Rochelle en 1931. J'avoue ne jamais avoir rien lu de ce pauvre gars, aux activités si peu recommandables durant l'Occupation. Or, le bonhomme, il y a donc plus de 80 ans, dissertait déjà sur les sujets ô combien toujours d'actualité de la réinsertion et de l'adaptation au monde.
Dans le film (c'est lui qui nous préoccupe), Anders, 34 ans, paumé de chez paumé, en termine avec une cure de désintoxication. On l'imagine longue et douloureuse: cocaïne, ecstasy, alcool, héroïne et j'en passe, faisaient apparemment partie de son quotidien. Jugé guéri - "je suis clean", dit-il à qui veut l'entendre - Anders peut vaquer librement à ses occupations. Sauf que d'occupations, justement, il n'a point... Le jeune homme se rend à Oslo, où l'attend un entretien d'embauche, qui ne débouchera sur rien: allez vous amuser, vous, à justifier d'un trou béant de plusieurs années dans votre CV, devant un employeur potentiel!
Anders, sans grande passion, en profite aussi pour visiter de vieux camarades. Sauf que, là encore, pendant que lui se perdait dans la drogue, ses potes, eux, construisaient gentiment leur vie. Oh, non pas que ce soit grandiose... Thomas, son meilleur ami, a certes une jolie maison, une jolie femme et de beaux enfants, il s'emmerde un peu quand même. Accaparé par le boulot, par la vie de famille, il ne voit plus grand-monde à l'extérieur. Son dernier fait de gloire est d'avoir été chargé, par la copro, de veiller au bon déroulement des travaux de rénovation de la façade de l'immeuble. Et, pire, avec Rebecca, sa femme, "il ne baise plus", mais passe des soirées entières à jouer à Battlefield. On a connu plus enthousiasmant comme modèle de vie.

Anders, 34 ans, à la recherche d'un but à sa vie.
Un peu plus tard, bis repetita... Anders se rend à la soirée d'anniversaire d'une autre vieille connaissance. Comme lui, un peu évanescente, vaguement déprimée. Sa meilleure amie vient de lui apprendre qu'elle est enceinte et la voilà, elle, toute jeune trentenaire, à se sentir comme la Dernière des Mohicanes, pour ne pas dire la dernière des connes: plus aussi jeune, et toutes ses copines qui, les unes après les autres, se mettent à pondre... Anders et elle auraient pu, au moins quelques instants, unir leur mal-être, parfait résumé, tous les deux, du drame de tous ces trentenaires voyant les leurs passer au niveau supérieur (l'autel, les couches et les biberons, pour faire simple), quand eux restent scotchés au stade peu glorieux de post-ados attardés. (Il se peut que j'aie fait un léger transfert).
Tout cela est donc joyeusement mélancolique, et n'aide pas Anders à reprendre pied dans la "vraie vie". Un peu hagard, il se pose dans un café, d'où il écoute les gens autour de lui. L'une des plus belles scènes du film. Toutes ces conversations, certes légères, futiles, ont au moins le mérite de les maintenir à flot, eux, tandis que lui, seul, plus que jamais seul, sombre corps et âme. Une dernière nuit de fête, fébrile, dans un Oslo glissant doucement vers l'hiver (et il est long, là-bas), va achever de persuader ce pauvre Anders qu'il ne pourra trouver sa place nulle part, dans ce bas monde.

Bilan: On peut s'en passer - Moyen - A voir! -Excellent - Attention, futur grand classique.
Note: 08/20

4 commentaires:

Ada a dit…

Dis c'est pas mal ici, en plus j'ai un peu l'impression d'être à la maison avec ces étagères de bouquins. Je reviendrai.
As-tu vu Albert Nobbs ? je serais curieuse de lire ta critique.

Jean-Noël Caussil a dit…

Bon, ben je ne suis plus Nononyme donc, si j'ai bien compris, alors...
Pas vu Albert Nobbs, non. A vrai dir,e ça ne me disait rien de bon. Mais peut-être ai-je tort? (Ce ne serait pas la première fois, hein). Tu en as pensé quoi, toi?

Er sinon... ben... bienvenue ;-)

Ada a dit…

Albert Nobbs, je dirais 16/20, excellent.

Jean-Noël Caussil a dit…

J'aime bien ton sens de la concision (entre autres choses)